Les images de ce début d’année sont sans appel: notre planète brûle. Elle se noie aussi, il est vrai, mais c’est les regards rivés sur les photos d’une Australie ravagée par les flammes que l’injonction morale prend de l’ampleur. Australie aujourd’hui, nous demain: une réalité qui nous force plus que jamais à reconsidérer notre quotidien et son économie. Etant parisienne depuis presque dix ans maintenant et parlant ici majoritairement à des lecteurs résidant en ville, je me suis dit: l’écologie urbaine en 2020, ça donne quoi ? De tribulations en recherches hasardeuses, un constat m’est apparu: 2019 était certes l’année des Drag Queen mais aussi celle des tiers lieux à Paris, et plus précisément des tiers lieux écolos.
Dans bon nombre de quartiers parisiens (surtout rive droite, il faut l’admettre), des structures proposent ateliers, débats, conférences, et autres animations aussi divers que pluridisciplinaires autour de l’écologie urbaine. Si les tiers lieux à Paris ne sont pas tous eco-friendly, bon nombre ont forgé leur communauté autour d’une volonté d’agir pour l’environnement dans leur lieu, la ville, Paris.
Ce terme de tiers lieu, je le retrouve pour la première fois dans des descriptifs de spots sympas et sur les sites de collectifs parisiens néo-gaucho (pour parler très large). Un terme qui n’est pas sans rappeler “tier monde” et qui me renvoie inconsciemment à mes cours d’histoire de terminale ou encore à la crise migratoire que l’humanité traverse actuellement. Je n’étais pas loin, mais je n’y étais pas non plus: les tiers lieux à Paris, c’est un savant mélange d’espace de travail, d’activités extra-professionnelles aussi éducatives que culturelles, et de détente comme à la maison. Des sortes de micro-villages dans la ville où, à défaut d’y dormir, on peut tout de même y passer 70% de nos journées. Y boire, y manger, s’y cultiver, y bosser. Bref, nouer avec des communautés citoyennes aux sensibilités diverses et désirant prendre part à la construction de leur quartier, de leur ville, de leur avenir.
Un espace de (alerte expression bobo-parigot) vivre ensemble et de lien social comme alternative aux cloisonnements éducatifs et professionnels, mais aussi comme rempart contre la solitude urbaine: tel est le projet des tiers lieux à Paris. Si les communautés lesbiennes ont notamment la Mutinerie comme tiers lieux de référence, qu’en est-il des citoyens en quête de tiers lieux à Paris tournés vers les problématiques écologiques ?
De nombreux parisiens quittent la capitale chaque année pour de nouvelles aventures, même s’il s’agit juste de passer le périph’. Si on dénombre environ 11 000 parisiens en moins par année, le déficit serait de 53 000 personnes entre 2012 et 2017. Face à ce désamour, de nombreux actions prolifèrent ci et là, dont certaines sont directement liée au désir des parisiens de faire venir la nature dans la ville. Cette idée d’écologie urbaine se développe à travers des conférences, des ateliers DIY, la promotion d’artistes et denrées locales… Bref, une écologie urbaine qui se veut fédératrice. Et les tiers lieux à Paris qui tournent la grande majorité de leur programmation vers des problématiques environnementales sont de plus en plus nombreux ! Une manière de dire, en somme, que les petits citadins sont tout aussi sensibilisés que les ruraux. Etant moi même une “fille de la campagne”, je ne peux m’empêcher de penser à cette citation d’Inès de la Fressange, tant entendu depuis mon arrivée à Paris: “Les vrais parisiens sont ceux qui ont rêvé de Paris […] quand on désire Paris, on l’aime encore plus”.
Alors vers quels tiers lieux à Paris se tourner, nous qui désirons une Paris plus verte et aux esprits davantage éveillés ?
La REcyclerie (Paris 18) ne porte pas son nom par hasard, vous en conviendrez. La Cité Fertile (Pantin) non plus d’ailleurs: outre l’idée d’éternel renouvellement dans la veine du “rien ne se perd tout se transforme”, c’est aussi sur une plus-value festive que ces tiers lieux à Paris misent. Des jardins potagers, des poulaillers, des workshops “comment faire son produit vaisselle avec de la bave de pigeon et trois brins d’herbe”, des projets tournés vers l’Économie solidaire… Mais aussi des DJsets post conf’ apocalyptique (on exagère le trait), barbeuc’ et buvettes made in à côté de chez toi, concerts de talentueux inconnus. Bref, deux tiers lieux Paris pimpées version “anciennes gares dans la prairie”. Aux manettes, l’agence d’ingénierie culturelle Sinny & Ooko , également (et heureusement) responsable de la Machine du Moulin Rouge, du Bar à Bulles ou, encore, du Pavillon des Canaux. Plus que des créateurs d’identités, l’équipe de Sinny & Ooko réinvente des espaces de parole en territoire supposé hostile: la ville.
Il faut croire que les déserts de la RATP et de la SNCF donnent vie à de beaux projets: le Hasard Ludique est aussi une ancienne gare désaffectée. Suite à un appel d’offre de la mairie de Paris, le chantier du Hasard Ludique commence en 2015. C’est moins de deux ans plus tard que ses portes (et ses rails !) rouvrent. Le lieu est majoritairement axé sur la création artistique, le bien-être, l’enfance et la promotion d’acteurs locaux: de fait, son implication environnementale n’est pas en reste. On pense à la Cantine de Léon, leur bistrot prenant le parti du zéro déchets; leur buvette proposant vins bios et autres boissons locales; leurs marchés Ecolopépouze et autre Bazar Écologique… Un tiers lieu à Paris sachant accueillir des citadins de tous horizons. NB: les quais y sont fermés de janvier à avril 2020 !
Un nom programmatif en effet, mais aussi pour pouvoir faire une belle allitération avec le terme teuf. Car La Ferme du Bonheur, ancienne friche devenue ferme urbaine, ce n’est pas que des travaux collaboratifs dans les champs, des rencontres avec des acteurs du monde rurale, du rempotage de chou rouge. Impliqué dans la promotion culturelle multidisciplinaire, il est l’un des rares tiers lieux à Paris et couronne sachant faire preuve d’auto-dérision: Electrod’bal, soirées Mamie-Bonheur… La Ferme du Bonheur sensibilise sur le lien entre l’homme et la terre, mais toujours en faisant résonner les cordes du poète un peu loufoque tapi au fond de nous !
Ce n’est pas moins de 13 500² d’espace accessible au grand public qui composent les Grands Voisins, tiers lieu à Paris niché entre les stations Denfert-Rochereau et Port-Royal. Outre le fait d’être une ville dans la ville, les Grands Voisins est “un terrain d’expérimentation en agriculture urbaine” où 15 000m² sont dédiés au jardinage, à l’apiculture urbaine, au compostage… Tout comme pour la REcyclerie, les Grands Voisins possèdent même leur propre Ressourcerie où sont réparés/stockés/réutilisés tout un paquet d’objets du quotidien. Bref, un îlot paradisiaque où pas une semaine de se passe sans un marché, un concert, un atelier ou juste, après tout, un rendez-vous entre ami pour y manger un bout. Le plus ? D’ici 2023, les Grands Voisins devraient avoisiner la surface de… 3,4 hectares, en plein 14ème. BOOM
La Bellevilloise est une institution de la vie culturelle parisienne. Fief des ménilmontois chevronnés, on la connaît pour ses soirées cultes (Tzigane, Bomba Latina, La Mona) et ses concerts de qualité. Qu’en est-il des festivals, salons et autres conférences isolées ? Surtout les conférences, d’ailleurs: si la part belle est faite au métissage culturel et aux rencontres féministes, de nombreuses conférences autour des problématiques environnementales y sont proposées chaque mois. Un des tiers lieux à Paris qui n’agit pas directement sur l’écologie urbaine (quoique, on a spotted leurs ruches juchés sur leur toit !), mais qui semble résolu à éduquer les consciences.
Par Pauline Jagoury
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